Un coach « réfractaire » à une supervision régulière a fait appel à moi parce qu’il était en difficulté avec une cliente en résistance. L'accompagnement ramait, et il était pressé, il fallait qu’il débloque vite la situation. Et j’étais prévenue : il s’agirait d’un one shot, parce qu’il ne supportait pas l’idée que l’on puisse lui imposer de la supervision. Le jour J, devant ma penderie, j’ai saisi un chemisier rouge. J’ai rapidement fait le lien entre cette couleur – que je ne porte jamais en séance ou en animation –, et le coach que je m’apprêtais à recevoir. Selon le modèle du 4Colors, le rouge est la couleur de l’extraversion, de l’action, de la rapidité, voire de l’urgence : il faut que ça avance, vite, et pas de chichis. J’ai pensé que cette couleur représentait bien le caractère de mon supervisé. Et moi, je suis tout l’inverse. Devant ce que je pressentais comme un reflet systémique, je me suis demandée : « Tu te synchronises ou tu restes toi-même ? » J’ai fait le choix de rester moi-même. « Je porterai du noir, puisque c’est une couleur dans laquelle je me sens bien. » Tout en gardant à l’esprit cette problématique identitaire. Une fois assis, il a posé son ordinateur sur la table pour me montrer ses prises de notes. Il a tiré sa chaise vers la table, face à son écran. J’ai d’abord eu le réflexe d’avancer ma chaise pour le rejoindre, puis je me suis ravisée. Je lui ai simplement fait remarquer qu’il était assis face à son ordinateur, attablé, et qu’il m’invitait à être focus sur le contenu de son accompagnement. Et qu’ainsi, il me semblait perdre le lien avec lui. J’ai émis l’hypothèse que le blocage qu’il constatait avec sa cliente pouvait être dû à un manque de relation entre eux. À sa confirmation, je l’ai invité à se positionner de nouveau face à moi et à oublier ses notes. Nous avons échangé. Et j’ai de nouveau exprimé ma difficulté à me sentir en relation avec lui dans l’instant présent, malgré notre face-à-face. Il a confirmé, encore. Mais il était happé par son envie de résoudre, de trouver des leviers, de comprendre ce qui coinçait. Il était pressé. Après quelques échanges, il a formulé l’idée qu’il n’arrivait pas à conduire des séances avec elle comme il le faisait avec ses autres clients, parce qu’il avait peur de la brusquer. Il parvenait à comprendre ce biais, mais je sentais qu’il ne trouvait pas là ses réponses, qu’il ne sortait pas de la boîte. Alors je l’ai invité à se lever avec moi. Je lui ai tendu mes mains et il m’a donné les siennes. Nous nous sommes regardés dans les yeux, longtemps. Et enfin, nous étions ensemble. Je lui ai dit que je faisais les choses à ma manière, parce qu’il n’y a que comme ça que je peux libérer ma pleine puissance de superviseure et de coach. Il a été touché, ses yeux brillait, et un léger sourire se dessinait sur nos visages. Soudain, il a pleuré. Il a exprimé le fait qu’il vivait une période très difficile dans sa vie, et qu’il se sentait seul. Il avait honte de pleurer, de donner à voir sa vulnérabilité… et c’est peut-être pour ça qu’il n’était pas allé chercher la vulnérabilité de sa cliente. Spontanément, je l’ai pris dans mes bras. Un élan du cœur. Si on ne se reconnecte pas à notre humanité dans ces moments-là, quand le faisons-nous ? Il s’est remis à parler, et petit à petit, j’ai senti l’énergie circuler de nouveau. Des frissons, comme à chaque fois où mon client touche le point juste (dans le sens de justesse). Il était reconnecté à sa pleine puissance. Il me parlait de ce qu’il allait mettre en place lors de leur prochaine séance. La créativité battait son plein. Il comprenait qu’il n’avait pas osé aller au cœur du problème avec elle. Il était resté à la surface, par peur de la chambouler, dans une période où lui-même était chamboulé. Mais de quoi a peur le coach, quand il se tient aux côtés de son client, au sein du cadre de sécurité qu’il a défini à partir de ses propres compétences ?