Il s’est présenté pour la livraison. Ultra speed, il a freiné dans la poussière. Ils sont toujours speed, les livreurs. Ils courent encore plus vite que le Monde : possible ? « J’ai deux paquets pour vous. » Et bam, en un seul geste, il les balance au sol. Impossible de parler, de prononcer un seul mot. J’ai entrouvert la bouche, pourtant, mais rien n’est sorti. « Ne vous inquiétez pas, Madame, je vous les dépose devant la porte. » « C’est pas ça… y avait un bousier, là… » Il a soulevé le premier carton, et il était là, mort, le petit bousier. Ecrasé par une dizaine de kilos débarqués trop vite. « Ah… mince… j’avais pas vu. » Sidérée, comme il m’arrive souvent. Coupable, de non assistance à bousier en danger. Et pourtant, ce mécanisme, je le connais bien : le bug, puis rien. Je fais le lien avec le MBTI - le Myers and Briggs Type Indicator - une grille de lecture de nos préférences comportementales. Il faut entendre par « préférences », les comportements que nous mettons plus facilement, spontanément et naturellement en œuvre. Dans la première des quatre dimensions explorées par ce modèle, deux pôles : l’Extraversion et l’Introversion. Si l’individu ayant une préférence pour l’Extraversion présente un mode « action puis pensée », c’est-à-dire qu’il passe à l’action (ou parle) avant ou en même temps qu’il ne pense, celui qui a une préférence pour l’Introversion pense généralement avant de parler ou d’agir, selon un mode « pensée puis action ». Une préférence pour l’Extraversion, conduit à élaborer sa réflexion au fur et à mesure qu’elle s’exprime, en contact, donc, avec le monde extérieur. Là où une préférence pour l’Introversion conduit à élaborer sa pensée à l’intérieur, avant de l’exprimer. Bien entendu, comme pour chacune des autres dimensions du MBTI, il s’agit de tendances, car nous ne fonctionnons pas d’une seule manière. Nous sommes tous complexes, teintés de nuances, en fonction des situations, du contexte, du moment, de notre état d’esprit, et de notre expérience. Toutefois, ces dimensions m’interpellent souvent, et je me les remémore volontiers au détour d’une réaction, d’un échange, d’un accompagnement. Sidérée, comme il m’arrive souvent. Incapable de crier, de prévenir, de le sauver, le bousier. Nous avons des préférences comportementales, ce qui ne signifie pas que nous faisons exprès de nous comporter comme ceci parce que nous le préférons, mais que nous nous comportons comme ceci, parce que ceci nous est plus facile, spontané, évident. Toutefois, ne nous est-il pas possible de faire évoluer ces préférences ? De mieux les utiliser ? Ou de « développer » nos non-préférences, comme nous invite à le faire le MBTI ? Certes, nous avons toujours une marge de progression : comprendre dans quels contextes et dans quel état d’esprit nous parvenons, ou non, à utiliser davantage nos non-préférences, par exemple. Ou à contrario, dans quelles circonstances le naturel revient au galop. Par exemple, dans le cas du bousier, comment puis-je m’assurer que ma réaction sera la bonne, la prochaine fois que je verrai un insecte en danger ? Bousier, coccinelle, escargot… comment pourrai-je crier ? Alerter ? Anticiper ? Eviter ?