La communication non verbale

Monde sensible

01-12-2023 • 7 minutes

A la fin d’une formation sur l’Ecoute active, une participante m’a dit qu’elle aimerait travailler sur le décodage de la communication non verbale pour pouvoir comprendre ce qui se jouait chez ses interlocuteurs. Selon moi, apprendre à décrypter le langage non verbal est une chimère. Il peut être intéressant de connaître les principales interprétations de nos gestuelles et postures, mais il peut être selon moi cloisonnant de se contenter d’une lecture cognitive des choses. Observer pour tirer des conclusions, c’est se positionner en tant que spectateur, à l’extérieur de l’espace relationnel. C’est regarder l’autre, de loin, et l’analyser. C’est éviter de prendre pleinement part à la relation : éviter de prendre le risque de se laisser atteindre, voire dépasser par ce qui est. C’est donc tenter de contrôler, une fois de plus, en évitant de se laisser surprendre par ce que, justement, on ne comprend pas, on ne peut pas maîtriser. Je peux partir du principe que croiser les bras, est le signe qu’une personne se renferme. Mais sommes-nous forcément fermés parce que nous sommes hostiles ? Ou que nous nous positionnons contre ? Nous avons 10 000 autres raisons de croiser les bras. S’il y a bien deux choses auxquelles nous ne pouvons pas avoir accès, ce sont les émotions et les pensées de nos interlocuteurs. En effet, nous pouvons observer, entendre et ressentir que quelque chose est là, mais pouvons-nous savoir de quoi il s’agit avec certitude ? Nous sommes pourtant les kings de l’interprétation : « Tu as vu ? Il n’a dit bonjour à personne ce matin. Je suis sûre que c’est parce que Brigitte lui a dit ce qu’elle lui a dit hier, en pleine réunion. Il l’a mal pris. » Et bien, en réalité, nous n’en savons rien. Depuis l’extérieur, nous ne pouvons pas savoir. Et pourtant, nous adorons faire des hypothèses auxquelles nous croyons dur comme fer. D’autant plus que tout ce que nous allons observer, entendre et ressentir à partir de là, ne pourra que venir nourrir notre hypothèse de départ. En somme, plus nous cherchons à savoir, à comprendre, à maîtriser, et plus nous prenons le risque de nous enfermer dans notre petite pensée étriquée. Mais alors, comment parvenir à lâcher le mental, nos réflexes de décryptage et d’interprétation, pour juste être là, présent à l’autre ? Comment tenir compte de l’autre et de ce qui est, tout en lâchant ce besoin de comprendre ? Pas évident, n’est-ce pas ? Tout d’abord, il peut être utile d’intégrer l’idée que tout ce que nous observons, entendons ou ressentons ne sont que des informations. Et que de les capter, en conscience, sans savoir quel est leur sens, n’est déjà pas si mal. Par exemple, si j’observe un bouton sur le nez de mon interlocuteur. Ai-je vraiment besoin de savoir s’il s’agit d’un point noir légèrement infecté ou d’un furoncle ? L’intérêt, selon moi, de ne pas savoir pour l’autre, est de laisser s’exprimer notre curiosité à travers le questionnement ou le feedback. Observer, certes, mais ne pas chercher à interpréter, à expliquer. Juste « remettre en circulation », exprimer son étonnement. Ne pas savoir, c’est inviter l’autre à nous dire et à exprimer sa vision de l’instant à partir de son propre prisme. C’est se détendre, aussi. Se poser et accueillir de ce qui est. Observer, laisser l’autre libre de danser. Pourquoi devrions-nous toujours deviner ? Décrypter ? C’est en pensant que notre interlocuteur a quelque chose à nous cacher, que nous nous empêchons d’être vraiment à son écoute, et de l’inviter à se confier. Alors, lâchons notre fantasme d’omniscience… acceptons d’observer sans comprendre, osons aller chercher l’information, explorons les différentes visions. Derrière le besoin de contrôler, se cache souvent la peur d’être surpris, de ne pas pouvoir maîtriser. Et pourtant, n’est-elle pas là l’essence-même de la Vie ?