C'est pas moi, c'est Murphy

Monde sensible

16-05-2023 • 9 minutes

Un jour, à la fin d’un atelier, un participant m’a confié une problématique personnelle. Son épouse était paraplégique depuis deux ans. Même s’il avait l’impression de faire tout son possible en termes de taches ménagères, elle était toujours en colère et l’assénait de reproches : « Je ne sais plus quoi faire. Et pourtant, je sens bien que je dois mal m’y prendre. » Ce que faisait cet homme, c’est ce que nous faisons tous, quand nous sommes coincés au fond du système : toujours plus de la même chose, à savoir toujours plus de ce qui ne fonctionne déjà pas. Et pourtant, avec la meilleure intention du monde. Parfois, nous souhaitons si fort quelque chose, que nous parvenons, malgré nous, à engendrer l’inverse. Je lui ai partagé mes hypothèses : « Peut-être que, plus tu en fais, plus tu renvoies à ta femme qu’elle est dans l’incapacité de faire, puisque tu fais ce qu’elle ne peut plus faire… et que, du coup, elle se sent impuissante, inutile ? Peut-être même qu’elle souffre pour toi, et culpabilise de te laisser toutes ces tâches ? » Il m’a regardée comme s’il avait une révélation, et m’a répondu : « Ben tu sais quoi, j’y ai pensé… » Souvent, nous pensons, nous savons, et pourtant, nous continuons à agir de la même manière, à apporter les mêmes réponses, et nous entretenons les mêmes problèmes. Je n’entrerai pas ici dans une analyse des mécanismes qui nous poussent à nourrir « la bête », mais nos raisons intrinsèques ou systémiques sont généralement valables. Parfois, nous préférons même penser que c’est l’autre qui a un problème, et que nous n’y pouvons rien, parce que nous avons déjà « tout essayé ». Et puis parfois, nous sentons que nous y pourrions quelque chose, mais nous projetons tellement d’efforts… Il m’arrive régulièrement de recevoir les confidences de personnes qui se plaignent d’une relation et me disent : « Je devrais te l’envoyer… » Or, c'est celui qui me sollicite pour un problème que je considère comme le demandeur, et il est possible d’agir sur la situation ou la relation qui lui pose problème, sans travailler directement avec ce qu’il considère comme étant le problème, à savoir l’Autre. Je ne dis pas que l’on peut tout résoudre, mais il y a toujours une marge d’action. Je pense que tant qu’un problème demeure problème, alors il y a problème. Et s’il y a problème, alors, en principe, il y a solution. La solution n’implique pas forcément la disparition de la situation ou du comportement « problème », mais permet de reconsidérer le problème comme un non-problème. C’est-à-dire que la représentation du problème – pour celui qui le considérait comme un problème – peut changer et devenir un non-sujet, tout simplement. La Systémique nous apprend que nous sommes tous responsables à 100% des systèmes avec lesquels nous interagissons, et dans lesquels nous évoluons. Nous sommes à 100% responsables de nos relations. C’est parce qu’un professionnel de l’accompagnement est conscient de sa part d’influence sur son client et sur les systèmes dans lesquels évolue son client, qu’il travaille en supervision. Très souvent, nous sommes témoins de symptômes systémiques, sans même nous en apercevoir. J’entends régulièrement des coachs déclarer : « Je l’accompagne depuis "deux ans"… », ou des professionnels du conseil (tous secteurs confondus) rapporter au sujet d’un client : « Un coup il me dit oui, un coup il me dit non, il ne sait pas ce qu’il veut, on n’avance pas… » Ou plus récemment encore, un agent immobilier, au sujet d’un propriétaire : « J’ai déjà organisé 44 visites, et je n’arrive pas à le faire vendre ! » Qu’est-ce que dit du client ET du professionnel, une relation d’accompagnement qui rame et/ou perdure dans le temps ? Qu’est-ce qui appartient au client, et qu’est-ce qui appartient au professionnel qui l’accompagne ? Quels bénéfices y a-t-il, et pour qui, à ce que l’accompagnement patine ? Et ainsi, à ce que la relation demeure ?