C’était une formation intra entreprise sur la Communication Non Violente réunissant des managers de différents sites. Parmi les objectifs prescrits, celui de les accompagner à tisser davantage de liens avec leurs équipes, pour favoriser leur montée en compétences. L’un des intérêts de cette formation est de provoquer des prises de conscience concernant nos différentes sensibilités, pour réussir à se mettre à la place des autres et appréhender ainsi la violence avec laquelle certains individus perçoivent, reçoivent et ressentent parfois nos propos, nos manières de nous exprimer, même quand notre intention est tout autre. Au moment où j’interrogeais les attentes des 10 participants, l’une d’eux déclara n'avoir aucune attente, car tout se passait très bien pour elle. Je souriais, d’un sourire un peu coincé, tiraillée par mes paradoxes : « Ok, je comprends que tu n’as pas d’attentes concernant cette formation. Mais du coup, qu’est-ce que tu peux te souhaiter pour ces deux jours ? » Je précisai alors, que lorsque l’on n’attend rien, il n’est pas rare que rien ne se passe. Et je l'invitai à poser son attention sur tout ce qu’elle repèrerait qui pourrait lui être utile sur le terrain, et à l’exprimer au groupe. Et comme à l’accoutumé, je demandai à l’ensemble des participants d’exprimer le moindre doute ou la moindre interrogation, le moindre manque d’intérêt ou jugement émergeant sur ce que l’on était en train de faire, ou s’ils étaient sceptiques. Il est difficile de savoir ce qu’il nous manque, ou de savoir ce que l’on se souhaite, quand on n’a pas pour habitude de douter, et de se remettre en question. Je dis « douter ET se remettre en question », car bien souvent, il me semble que le doute est un allié dans la remise en question. Le doute n’est pas toujours agréable, parce qu’il nous renvoie à l’inconfort lié au sentiment d’incertitude. Il nous fait croire que nous n’avons pas confiance en nous, puisque nous ne sommes pas certains. Et pourtant… c’est justement parce que nous doutons que nous pouvons avoir confiance en notre capacité à prendre en considération plusieurs éventualités, plusieurs hypothèses, et à ne pas nous leurrer, ou du moins, agir le plus en conscience possible. L’incertitude façonne des esprits ouverts, adaptables, et appelle à l’humilité. Notre participante « au top », que j’avais invitée à identifier, tout au long des deux jours, les graines qu’elle pourrait emporter avec elle, au-delà de la formation, exprima au groupe, au moment du débriefing, son souhait de s’adapter aux différentes personnalités de ses collaborateurs. Elle avait perçu l’impact qu’elle pouvait avoir sur ses relations, même au-delà des mots. Et elle avait identifié au moins deux cas dans lesquels elle avait envie de mettre en œuvre la Communication Non Violente, pour aller chercher les feedbacks. Regarder ce qu’il se passe à l’extérieur de nous et tisser des liens avec notre propre manière de faire ou d’être au Monde, demande selon moi du courage. Bien souvent, nous avons l’intuition de notre impact sur nos relations et les situations que nous vivons. Et pourtant, ces liens sont parfois si difficiles à identifier que nous minimisons notre part d’influence et de responsabilité. Aujourd’hui, je travaille en collaboration avec des professionnels de l’accompagnement, des dirigeants et des particuliers que je qualifie d’« éclairés ». Si « Illuminés » est une insulte, « éclairés » est une nécessité. Vous la visualisez, la lumière ? Délicate et caressante… posée sur la surface. De l’autre côté, l’ombre, forcément. La lune est ainsi. Chaque cratère est la trace d’un impact. Et pourtant, elle est si belle… suspendue dans le ciel, à la fois douce et puissante.