Lâcher-prise et écoute active

Monde sensible

30-01-2024 • 6 minutes

C’est une formation que j’anime plusieurs fois par an : l’écoute active, au cœur de nos métiers d’accompagnants ou d’encadrants, que nous soyons coach, formateur, consultant, dirigeant, manager, thérapeute… L’écoute active est bien plus qu’un ensemble d’outils et de méthodes. Elle est une posture. Une posture n’est pas une attitude, qui se fabrique. La posture, c’est cette intention, cette capacité à atteinte le point « juste » où nos interactions, les systèmes que nous formons avec nos interlocuteurs, sont à l’équilibre, dans un mouvement d’évidence et de fluidité tel que chaque élément, chaque idée, chaque mot, chaque émotion et chaque geste semble occuper sa juste place. Le lâcher-prise, c’est ce moment paradoxal où l’on cesse de forcer, où l’on lâche l’action pour laisser se faire le mouvement.

En improvisation, ce sont mes yeux plongés dans le regard de mon partenaire. Plus rien ne compte autour de nous. Nous vivons l’instant pleinement, les émotions nous touchent, les mots, les gestes et les déplacements s’enchaînent sans que l’on ait à réfléchir… et l’histoire de dessine. La posture, c’est la prédisposition. Un mélange de concentration, d’intention et de disponibilité.

Quand j’anime une formation sur l’écoute active, je la présente comme un art martial, un doux combat entre le professionnel de l’accompagnement ou le manager, garant du cadre de la relation, et son interlocuteur. Pour moi, le lâcher-prise en écoute active, c’est un cadre avec un cœur dedans. C’est un cadre, composé de notre intention, de nos objectifs, des contraintes dont nous sommes les garants, et le cœur, à l’intérieur, c’est le mouvement, libre et organique, qui permet à notre interlocuteur d’avancer dans sa réflexion et de s’exprimer en transparence, pour libérer l’action. Souvent, quand je parle de cœur dans le cadre, les participants, accompagnants ou encadrants, me font remarquer : « Si je laisse l’autre parler, je vais me laisser embarquer… » Oui, peut-être, si ton cadre n’est pas suffisamment posé, pesé, assumé, tenu. C’est quand le cadre est clair, limpide et solide qu’il permet à l’autre de danser à l’intérieur et à l’échange d’avancer.

Ecouter activement, c’est certes activer la parole de son interlocuteur pour mieux en comprendre les besoins, s’assurer que l’autre a bien compris nos attentes et évaluer s’il est en capacité d’y répondre ou non, identifier les freins et objections éventuels, mais c’est surtout plonger au cœur du système relationnel, en profondeur et en douceur, pour en révéler l’évidence. Si, en tant que manager, je ne suis pas prêt à lâcher mon objectif pour visiter la réalité de mon collaborateur à l’instant T, ce qui ne signifie pas abandonner mon objectif mais savoir le laisser de côté le temps de l’exploration, je risque de créer chez mon interlocuteur cette résistance même qui nous empêchera d’avancer. Parce que l’intention est perceptible comme un grain de sable à l’intérieur d’une chaussure, et qu’elle facilite ou freine le mouvement. Très souvent, les stagiaires me disent : « Ben oui, j’ai déjà essayé, je le laisse parler, je lui dis de me dire les choses, ce qui ne va pas, s’il y arrive ou pas, et comment je peux l’aider… je lâche, hein… » Et puis à l’occasion des mises en situations, qui permettent de diagnostiquer postures et comportements, ils reviennent sur leurs affirmations de départ : « Je pensais lâcher, mais je me rends compte que j’essaie toujours d’amener l’Autre là où je veux. Ça tient à pas grand-chose… » En réalité, nous pensons souvent que prendre le temps d’écouter et d’explorer nous fait perdre du temps, alors qu’en lâchant prise sur notre envie d’avancer, et vite, nous sommes davantage susceptibles d’en gagner, puisqu’en capacité à désamorcer les résistances, pour créer les conditions propices à une collaboration plus juste et plus efficace.