A la question « Le lâcher-prise, c’est quoi ? », les réponses sont généralement variées, parce qu’il n’est pas possible de donner une seule définition du lâcher-prise. Son contenu dépend de notre contexte, de nos objectifs et contraintes du moment, ainsi que des interactions entre les acteurs concernés… Et pourtant, le lâcher-prise parle à tout le monde en tant qu’état.
Il est tantôt bien-être, détente, insouciance… Parfois même une forme de béatitude qui nous immuniserait des soucis et difficultés du quotidien. Tantôt, il est une sorte de super pouvoir qui nous permet de dire et agir sans filtres, indépendamment des conséquences sur notre environnement. Vu sous ces deux angles, il est facile de comprendre en quoi lâcher prise nous est si difficile. D’ailleurs, je considère que le lâcher-prise ne doit pas faire l’objet d’une injonction, et qu’il n’est pas non plus à considérer comme une fin en soi.
Si je me base sur mon expérience du théâtre d’improvisation, le lâcher prise est cet état où le comédien se retrouve pleinement immergé dans le jeu en tant que personnage, en interaction parfaite avec ses compagnons de scène, avec lesquels il co-construit une histoire improvisée en temps réel. Les mots, les gestes et les déplacements se présentent à lui avec fluidité et justesse. Il n’a qu’à se laisser porter : il ne réfléchit plus, il ne fabrique pas mentalement l’histoire, il n’anticipe pas, ne se juge pas… mais réagit de manière instinctive et interagit avec ses partenaires en harmonie et au service du Tout de l’histoire qu’il découvre au moment même où il lui donne vie : il donne vie à l’histoire en même temps qu’il vit l’histoire…
Cet état de fonctionnement optimal est nommé par Mihali Csikszentmihalyi « flow » ou « état de fluidité ». Il correspond aux moments de haute performance vécus par les sportifs. Ces moments où le temps semble s’arrêter, et où l’immersion dans l’action devient totale : les gestes justes sont exécutés au moment juste, au service de l’objectif, à la fois suffisamment élevé et accessible pour permettre la pleine mobilisation et le plein engagement pendant toute la durée de l’action.
En réalité, le lâcher-prise est pour moi l’instant qui précède l’état de flow. Il est cette fraction de seconde où l’on se dit : « Vas-y », et bam, où on y va, en confiance avec sa propre capacité à se positionner au bon endroit, de la bonne manière, et à choisir les bons mots, les meilleures options, le tout en cohérence avec le cadre et les contraintes dans lesquels se déroule l’action.
A force d’entraînement, les comédiens d’improvisation apprennent à lâcher prise sur commande, même si la chose n’est pas toujours, ni en toutes circonstances, aisée. Pour être plus précise, je dirai que les comédiens développent des compétences intra et interpersonnelles qui leur permettent de laisser plus facilement place au lâcher-prise. Et j’ajouterai que ces compétences à elles seules ne suffisent pas. Parce que le lâcher-prise n’est pas un état de grâce indépendant de nos interactions et de nos contextes. Le seul fait de vouloir lâcher prise à tout prix peut justement nous empêcher d’atteindre cet état.
Le sujet est riche en paradoxes. C’est d’ailleurs peut-être pour cela qu’il est pour certains un sujet, et pour d’autres, une bête noire…
Que vous soyez dirigeant, professionnel de l’accompagnement ou particulier, je vous invite à préciser ce que signifie pour vous « plus de lâcher-prise » dans votre situation professionnelle. Sachant qu’il s’agit de cette capacité à accéder au mode de fonctionnement optimal d’un système à un moment donné, qu’est-ce qui vous montrera, concrètement, que vous, vos interactions ou votre entreprise l’ont atteint ? Les formes qu’il peut prendre sont nombreuses ; la manière d’y parvenir vous sera spécifique et sera spécifique à votre contexte.